Courses. Courses. Courses.
Il est l'heure d'aller remplir ton frigo, Nero ! Crever de faim serait une triste fin pour ta personne. Tu remarques qu'il n'y a plus grand chose dans ton garde manger, et gueulard comme tu es...
Tu sors de chez toi, les mains enfoncées dans les poches et ta casquette rétro sur la crâne. Tu ne bosses pas aujourd'hui, d'ailleurs. Tu arrives assez rapidement à la Grand Place. Tant mieux, t'as de la chance de ne pas habiter si loin de l'endroit où tu fais tes courses !
Tu rentres dans le petit supermarché discount et fais tes courses tranquillement avant d'en resortir rapidement. T'as hâte de rentrer chez toi, où d'aller au bar. C'est bien aussi.

Dehors, tu remarques qu'il y a grabuge. Qu'est ce qui se passe ? Encore un petit con qui s'est fait choper à voler une pomme. Tu ne comprends pas toujours les marchants qui pestent pour ça. Voler pour se nourrir, c'est pas si grave pour toi. Tu pensais, avant, à ouvrir un magasin uniquement gratuit... L'inconvénient, c'est que ce n'est pas rentable. Dommage.
Tu ne jettes même pas un coup d’œil au spectacle. Ça ne t’intéresse pas. Pas plus que ça, en tous cas. Mais en t'éloignant, une foule de peuple — qui fuit peut-être ? — te bouscule. Tu n'avais pas remarqué qu'il y avait tant de monde.
Quelqu'un te pousse, fort. Tu perds l'équilibre et te rattrape à la première chose qui te vient à la main : une épaule. Tu t'y agrippes, le temps que la vague se calme un coup.

Et là, tu réagis que, depuis deux bonnes minutes, tu te tiens à un parfait inconnu.  Tu te détaches finalement de lui, un sourire béa scotché sur la figure. Bah, autant taper la discut'.
« Haha, désolé. Y a du peuple aujourd'hui. »

Ha. Mais quelle connerie, ces marchés. Évidemment, dès qu'un petit idiot souhaite faire ses courses tranquille, toute la foule se ramène et s'entasse. Il ne vaut mieux pas se pointer aux heures les plus fréquentées. De toute façon, à chaque fois, la comptine se répète; on y va, on piétine, on se fait marcher sur les pieds, on manque de trébucher et on essaye de suivre le mouvement de la foule pour espérer pouvoir retrouver son chez-soi adulé, ce qui n'est pas le cas de Lizzie.

Aujourd'hui, il a fui, une fois encore, le quartier qui a causé sa perte. Depuis la nuit dernière, il traîne dans les ruelles du second quartier. Et pour une fois, il a été sage. Pas une fois dans un bar, rien. Le pauvre était fatigué, mais le bruit de la grand-place le tenait en alerte; trop de monde. Tellement que ça débordait même dans les petites ruelles. Tout ce bruit l'agaçait, mais bien caché derrière son petit tas de cartons, il voyait tout.

Mais quoi de plus inutile que de rester planté au même endroit à attendre que les rayons de l'obscurité blanchissent encore plus la peau d'un légume? Bien qu'un peu réticent à s'aventurer dans toute la foule, Lizzie finit par se démener pour s'engouffrer au milieu du gros tas noir de monde.

Dedans, on se sentait - à peine - à l'étroit. On se croirait également dans un aquarium rempli de poissons sans cervelles. Contraint d'avancer à son insu pour ne pas se retrouver étalé contre le sol imprégné des semelles de n'importe qui, il finit par s'arrêter net en entendant quelqu'un engueuler une autre personne. Mais le temps de comprendre, on le poussait déjà à avancer. Au final, après quelques minutes de faufilage intense, il finit par arriver à la source de l'engueulade.

- Oh on va calmer son adrénaline y'a déjà pas assez de place pour bouger les nageoires alors euh.

Coupé au milieu de sa phrase par une nouvelle vague d'agitation, ses yeux fixaient la plaie vraisemblablement ouverte sous le t-shirt du grand monsieur. Puis le visage des deux hommes lui rappelaient quelque chose. Par réflexe, il recula une fois encore, bien qu'il soit sûr que ses pensées troublées ont décidées de le tourmenter juste pour le fun.

Il t'engueula. Ton sourire se transforma en étonnement, en imcompréhension, et... Tout ce que vous voulez, en fait. Tu le regardas porter sa main à son épaule, et là, t'as enfin compris pourquoi il t'avait gueulé dessus. T'es passé de ta couleur normale à l'allure d'un fantôme, blanc comme un cul, le tout en une demi-seconde. Et là, t'as vu un autre bonhomme.  Grand, fin comme une asperge, roux. Il te dis quelque chose. Tu sais que tu l'as déjà vu. Plusieurs fois. Étais-ce ton sauveur qui allait sauver le (charmant) blond ? Tu le regardes, paniqué, en te tripotant nerveusement les doigts.
« Je-je-je-je-je-je— »
Digne d'un robot, t'étais maintenant plus capable d'articuler un mot de plus d'une syllabe. La foule s'agitait à nouveau.
« Ça risque de secouer encore, on devrait s'en aller ? »
Tu parlais aux deux, comme si tu les connaissais. Tu ne savais aaaaabsolument pas quoi faire face au blond qui saignais et t’espérais que le roux allait t'aider. Incapable hors paire, vaux mieux même pas que t'essayes de lui faire quoi que ce soit, t'aggraverai plus la situation qu'elle ne l'est déjà.

Un malade. C'est ce qui pouvait se lire dans le regard des deux énergumènes. Mais non, ce n'est qu'une personne comme les autres. Alors pourquoi le regarder comme si c'était un être spécial tout droit sorti de nulle part? Ceci dit, c'est un peu ce qui s'est passé. Poussé par la foule un peu trop violente ces temps-ci, le roux a dû s'improviser une entrée des plus pourries. Mais qu'importe, ce n'est pas vraiment le moment d'en parler. Le brun venait de sortir une phrase tout à fait juste; si ils restaient tous les trois au beau milieu de cette vague de gens, ils allaient sûrement y passer et tomber.

Et c'est ce qui arriva au pauvre homme déjà blessé. Il tomba comme un gros tas, embrassant le sol et la crasse. Lizzie n'a pas pu s'empêcher de rire. Pour une fois que ce n'est pas lui qui se mange le sol bêtement, autant se moquer du mal des autres. C'est un peu méchant, quand on y pense, mais qui ne rigolerait pas face à ça? Peut-être tout le monde...

Lorsqu'il était sur le point de faire sa bonne action de la journée, le blond se releva aussi vite qu'il est tombé. Bon bah, tant pis, une autre fois. Il avait toujours un sourire crispé au visage. Mais il se mordait les joues pour essayer de le calmer. C'est un peu sa technique pour avoir l'air sérieux alors que sa seule envie est de rire ou de pleurer. C'est, certes, pas très discret, mais efficace. En un rien de temps, il s'était calmé.

Et sans dire un mot, il leva la main comme pour indiquer aux deux autres de le suivre. Il sait - presque - parfaitement comment sortir de ce tourbillon de gens, et il connaissait une rue plutôt calme; celle où il était il y a moins d'un quart d'heure. Il se faufila entre les passants en espérant que les deux autres garçons suivent le mouvement. Mais il avait confiance, peut-être un peu trop, même.

- On y est presque.

Après quelques petites minutes à pousser et éviter la foule, Lizzie finit par arriver à son objectif. Il se retourna soudainement, comme si il avait peur de quelque chose, pour voir si il ne les avaient pas perdus.

Le blond se ramassa la face, comme une larve qui rampe par terre. Tu tire un tête de paumé qui comprend rien à la vie et qui essaye tant bien que mal de retenir un petit rire nerveux. T'essayais de le cacher, alors que le rouquin lui, ne cherchais pas vraiment à masquer son amusement face à la jolie gamelle du blond. Lorsque le blessé est revenu debout en une fraction de seconde, tu reprends ton sérieux.  Quand même.

Le roux vous fait un petit geste pour vous dire de le suivre. Il se faufila aisément entre les passants comme un papillon. Tu essayes de faire de même, mais avec ta carrure, c'est un peu moins facile. Tu le vois s'éloigner rapidement et tu semble avoir aussi perdu de vue le blond... Une vague te pousse et te repousse, tu te fais bousculer dans tous les sens et tu termines finalement à terre. La vague continue de courir dans tous les sens pendant que tu agonises à terre, sous les pieds des fous furieux qui te passaient dessus.

Une ou deux bonnes minutes après — qui te parurent plus qu'interminables ... —, la foule se calme un peu et semble se disperser. Tu en profites pour te relever, une marque de chaussure boueuse collée sur la joue. Tu aperçois au loin le rouquin et tu vas le rejoindre en traînant les pieds.

« T'es trop à l'aise avec la foule pour moi.. »

Mais regardez les en train de se dandiner entre la foule pour au final se faire marcher sur les pieds. C'est vrai que sur le coup, le physique plutôt avantageux du roux l'avait fortement avantagé comparé aux deux autres qui semblaient tellement galérer. Bien à l'abri dans sa petite ruelle, il regardait sans jamais aider les deux inconnus. Le brun a finit par céder sous la violence de la foule pour se faire ensuite marcher dessus comme on le ferait avec un paillasson. Pathétique.

L'autre se débrouillait plutôt pas mal malgré le fait qu'il n'air pas l'air très à l'aise. Il venait de porter une main sur sa blessure, comme si elle lui faisait mal. Il faut dire, quand ça saigne, c'est jamais bon signe. Un peu impatient, il croisa les bras, tapant du pied contre le sol, faisant mine qu'il commençait à en avoir marre d'attendre comme un couillon dans cette rue que, étrangement, personne n'empruntait.

Finalement, les deux ont finit par survivre à cette expédition plus que dangereuse. Mais tous les deux étaient blessés; quelle connerie. Le brun pourrait sûrement se remettre de cette humiliation, par contre, pour le cas du blond...

- Eh c'est pas l'hôpital ici, y'a bien une pauvre chaise précédemment occupée derrière ces caisses vides et c'est tout.

Lizzie haussa les épaules avant de se diriger un peu plus loin dans la ruelle, pointant du doigt sommairement sa destination. Il soupira, jetant un coup d’œil derrière lui. C'est pas une infirmière, tout ce qu'il pouvait faire c'est le laisser s'asseoir pour se reposer un peu. Une fois devant la chaise, il se décala légèrement pour s'adosser au mur du bâtiment juste derrière lui. Il se demandait bien si les deux allaient s'enfuir devant un malade comme lui ou tout simplement se poser pour pouvoir enfin inspecter la blessure de môsieur le blessé.

Un léger rire se faisait entendre; il avait l'impression que cet homme au visage pourtant si familier n'était en réalité pas qu'une tapette qui pleure juste pour un bobo. Après tout, il ne savait pas ce qui pouvait se cacher sous ce pauvre tissu tâché.

Le blond arriva finalement avant toi, et il semblait bien blessé au niveau de son épaule, d'après ses paroles. Tu écoutas les deux hommes sans rien répliquer, et tu suis le roux qui à - étrangement - l'air de connaître parfaitement le quartier. Tu te dis que t'es un peu le couillon des trois, là : incapable d'aider le roux, et ni le blond, d'ailleurs.

Arrivés au niveau de l'endroit ou le blond allait pouvoir poser ses (majestueuses) fesses, tu restes planté sur place, le laissant s'installer comme il le voulait. Tu entends le blond rire, et tu te demandes bien pourquoi, mais finalement, tu n'y prêtes pas tant d'importance que ça, puisse que tu reporte ton attention sur le blond. D'ailleurs, penser "le roux" et le blond commence à t’agacer.


« J'aimerai bien éviter de vous appeler le roux et le blond, c'est pas vraiment ... Chaleureux ? »

C'était ta manière de leur demander leur prénom, bien que ce soit un peu tordu quand même. T'as jamais été très habile pour les présentations.

Ben voyons. Ce gosse de riche et pourrit gâté ne sait apparemment pas ce qu'est la misère. Lizzie jeta un rapide coup d’œil vers le piétiné qui, lui, ne semblait pas se plaindre de ce coin tranquille. Une grimace se dessinait vivement sur le visage du rouquin; il avait tellement envie de frapper ce gros bonhomme pour lui faire comprendre quelques trucs. Mais finalement, il ne bougea pas d'un pouce. Seul ses yeux s'affolaient, fixant tout et n'importe quoi, ne sachant pas où s'arrêter.

Sans même se préoccuper de l'avis des autres, il ne pouvait résister à cette envie de fumer une cigarette là, comme ça. Alors sans se gêner, il sortit d'une main habile une cigarette du paquet planqué dans une de ses poches ainsi qu'un briquet. Tant pis pour les non fumeurs et les allergiques à la nicotine, rien à foutre.

En entendant le nom du blondinet, son cœur s'arrêta un instant, le laissant avec une expression d'effroi durant une fraction de seconde. Alors comme ça, cette tête-là lui est vraiment familière. Sur le coup, il s'est dit que se faire tout petit est une sage décision. Mais au final, il finit par se persuader que le croiser fringuer comme ça voulait dire potentiellement pas dangereux.

Pendant un long moment de réflexion, il se demandait si il devait tromper son identité ou non. Enfin après, avec le peu de conneries qu'il a fait, le mal fringué devait sûrement être un simple inconnu.

- Lizzie.

Ce dernier avait un peu peur qu'on lui fasse la remarque que son prénom n'est pas très adapté pour son genre. Mais tant pis; de toute façon, il l'aime bien, ce prénom. Il fixa le brun dans les yeux sans même calculer ce que faisait le dénommé Fraus. Ses mouvements n'attirèrent même pas son attention, il se contentait d'écouter d'une oreille distraite ce qu'il pouvait dire de passionnant sur sa pauvre et malheureuse blessure.

- Ah bah dommage, moi, j'ai pas de désinfectant. Sûrement mangé. Ou alors j'en ai jamais eu. Je sais pas?

Lizzie se redressa pour prendre un peu de distances, toujours un peu anxieux. Cette fois-ci, son regard finit par se poser sur les nombreuses cicatrices plus ou moins récentes qui parsemaient son corps. Quel champ de bataille.

« Nero pour ma part ... »

Nero. T'as toujours eu l'habitude de te présenter comme ça. Tu te demandes même pourquoi on ne t'as pas juste nommé Nero, plutôt que Nerone. Lizzie, Fraus, tu devrais t'en sortir, à retenir ces deux prénoms. Lizzie ... Ce prénom te semble familier. Mais tu n'arrives pas à te souvenir d'où tu l'as entendu. Tu laisses tomber, tu te souviendras plus tard. Ce soir.

Lizzie te fixa, et tu en profita pour faire de même. Plutôt bien foutu. Fraus regarda sa blessure. T'évitais de "l'admirer". C'était plutôt gênant.

« J'en ai pas sur moi, mais au magasin, peut-être ... »

C'était donc une proposition pour s'en aller et se poser dans un lieu calme et chaleureux. Ca ne devait pas être très loin, de toutes façons. Ils devaient se demander de quoi tu parles, Nero.

« Je tiens le bazar du coin... Je vous offrirai un verre ? »