Un bruissement, papier tremblant, pas vacillant. Et c'est avec grâce que de la mélasse il s'élève, quittant la boue éparse avec une aisance brève, mouvant son corps fin le long d'un mur qu'il escalade. Enfin. Et les toits s'ouvrent à ses yeux narquois, étendues d'un noir froid qui scrutent à n'en plus finir les tuiles alourdies par la suie. Son empire.

Vêtu d'un sweat à capuche sombre, à peine plus visible qu'une ombre, il avance, avance, violence ouatée de longs cils ourlée. Violence cachée, violet à outrance qui coule le long de son visage, cruelle créance d'un futur incertain, tatouage opaque sur blanc adamantin.

Et de ce personnage d'où suinte la confiance, de cette personne emplie d'indifférence, on palpe presque aussitôt un charisme magnétique. Attirance métallique, un rien machiavélique, charisme qui entraîne, charisme qui obsède. Obscène, presque, tant la résistance est vaine. Parce qu'il est le meilleur, Az.

Il est le meilleur, rase de près un monde d'ailleurs, de lendemains railleurs et de ciels rieurs. Ça se voit, ça s'entend dans sa voix. Ça se sent, ça se touche, c'est criant. Criant de vérité, criant de reconnaissance désavouée. Et ça hante, ça hante. Tant et si bien qu'on ne l'oublie jamais.

Jamais, Az. Jamais.

Et déjà tu te lèves, contemplant en contrebas ce peuple qui n'attend que toi. Que tes yeux, que ton sourire sur cette foule qui te veut, te fait frémir. Pour eux. Pour toi, surtout, tu le veux. Et tu les surplombes de toute ta verve malsaine, les surplombes depuis la scène de tes délires, eux, dans l'arène, à la merci de leurs sbires. Subir sans cesse les mêmes préjudices. Et les sauver avec délices, qu'ils t'acclament, qu'ils t'acclament. Qu'ils t'acclament, qu'ils te suivent, ceux qui se sont égarés. Agneaux en mal de liberté. Remerciez votre berger, celui qui a su vous guider. Qui pourra vous libérer. Qui saura, malgré les sacrifices endurés, vous mener loin de cette tyrannie dégénérée.

Azraël, comme un soupir perdu dans l’éther, comme un souffle gaspillé par terre. A même la boue, enchaînée, l'humanité. À genoux, survivants d'un autre temps, accroupis sur ce sol purulent. Et lui qui vient, fait sauter, exploser. Au diable les pertes à déplorer. Au diable les morts inavouées. Pour le plus grand bien qu'il a lui-même dessiné. Pour ce salut imperceptible qu'il est le seul à imaginer. Accroché à sa simple volonté. Hochet entre les mains d'un enfant trop gâté.

Parce que Azraël, sous ses faux airs de libérateur ne cache en réalité qu'un enfant sans cœur. Sans cœur pour eux, pauvres malheureux, dommages collatéraux de son combat houleux. Eux qu'il aide par caprice. Lui vise plus haut, dans son vice. Lui vise la tête même de tous ces complots, la monarchie, tout là-haut. La cause de tous ses malheurs, tous ses maux, toutes ses horreurs.

Et alors toi, gamin des rues, gamin de cette Purge révolue. Toi, tu te lèves, fringant et fier, fixant de toute ta peur moribonde cette étendue de poussière. Poussière de vie, poussière d'envie. Révolution qui se grave dans tous les sillons. Pour toi, toujours toi. Et tes proches que tu lèves même tout en haut. Au-dessus même de ton ego. Ces gens que tu aimes du plus profond de ton être, que tu manipules pour le bien. Maître de ton monde, gamin.

Et pour ton esprit rongé par la peur, pour ton cœur épris de terreur. Pour tes yeux aux aguets, pour tes lèvres au rictus figé. Pour ces gens auxquels tu octroies la mort, pour ces gens que tu libères ainsi. Jamais tort. Jamais, Azraël. Et tes yeux à la compassion grêle se reportent toujours sur les autres à la moindre erreur, toi au-dessus de tout soupçon, eux enchaînés dans leurs pleurs. Parce que tu es le leader. Et que rien ne pourra jamais contester ça.

Rien. Personne.