Pardonne-moi Seigneur. Elle sait qu'elle ne devrait pas, c'est ce qu'elle se dit et qu'elle se répète à chaque nouvelle pilule, chaque nouveau rail. Parfois, elle se dit que c'est la dernière, qu'après, elle arrête, qu'elle devient clean, et qu'elle apprendra à vivre de nouveau. Elle se le dit souvent, mais ne s'y tient jamais. Aujourd'hui aussi, en se levant, elle s'est dit qu'elle rentrerait directement à la maison ce soir, qu'elle jouerait avec son frangin, qu'elle lui apprendrait à lire en douce, qu'elle lui parlerait de Dieu, peut-être qui, l'aime et qui veille sur lui mieux qu'elle ne pourra jamais le faire.

Mais ses pas la portent vers le bar. Le bar habituel, où elle passe ses soirées à boire, à plaquer un sourire creux sur son visage, et à danser, dans l'espoir de ne pas rentrer seule, de pouvoir se blottir contre quelqu'un encore cette nuit, parce qu'elle n'a pas le courage, pas la force de dormir seule dans son lit, pas sans Marty. Pardonne-moi. Demain, je serai plus forte. Peut-être.

Machinalement, ses lèvres s'étirent en un léger sourire. Elle sait que les habitués n'y croient plus, à son sourire, pas plus que le patron. Mais ce n'est pas pour eux, qu'il est là, ce n'est pas à eux qu'elle ment. Elle s'approche du bar, la démarche souple et légère de celle qui n'a pas encore bu à s'assommer. Même au fond du trou, Oz reste pleine de grâce.

Elle s'installe au bar, à côté d'un type vautré sur le comptoir. Il est encore vivant au moins ?

– Double whisky coca, s'il te plaît.

Et puis elle se tourne vers le type à moitié allongé sur le bar, et elle le poke du bout du doigt.

– Hé. Toujours en vie ?