Il ne fait pas son âge, Jerry. Il a l'air plus jeune. Ou plus vieux, ça dépend des gens. A cause de ses joues pleines et de son sourire de môme puis en même temps de son début de calvitie. Jerry, il tente de camoufler son front qui se dénude avec ses cheveux blonds, aux reflets vaguement roux, qu'il laisse délibérément pousser plus long sur le devant de sa tête, en restant bien dégagé derrière les oreilles, un peu décollées, celles-ci. Cependant, la pousse est raide et provoque de nombreux épis qui trônent fièrement sur le sommet de son crâne. Il est pas de grosse carrure, Jerry, avec son mètre soixante-cinq, et sa tenue ne l'aide pas. Il te tasse sur lui-même, il finira bossu à force de rester penché sur son travail, puis il y a cette mauvaise habitude de rentrer sa tête dans les épaules, non, ça ne lui fait pas gagner quelques centimètres, à Jerry. En plus il est gringalet, les muscles manquent, archétype de l'intellectuel, pourtant, qu'est-ce qu'il a l'air niais. Il a la mine timide, comme s'il n'osait pas s'imposer. Il se crispe facilement aussi, et quand il tente de se redresser, il a l'air con, tout simplement. Dans un affrontement, Jerry ne fera pas long feu. Le vieux gamin est expressif, beaucoup, trop, malgré une certaine retenue. Il vire au rouge jusqu'aux oreilles aussi vite que ses yeux s'embuent. Faut dire, il est pâle comme pas deux alors les couleurs, il les prend facilement. Son nez est pointu, un peu trop. Jerry n'est pas beau, Jerry a l'air d'un garçon encore en construction, pourtant, Jerry est un adulte. Ses mains sont grandes, il faut le remarquer quand il ne les secoue pas dans tous les sens. Il a la paume large et les longs doigts "de pianiste" comme on dit. Elles sont si grandes qu'il en a l'air pataud, maladroit, cependant, ses gestes sont étonnamment précis. Enfin, il y a ses yeux. Les pupilles bleues ont un quelque chose de dérangeant. Elles sont rapides, parfois, elles se fixent sans plus bouger pendant d'interminables secondes alors, elles ont l'air vides. Et pour cause, ses yeux n'en sont pas des vrais. C'est dans l'obscurité que cela se remarque le mieux, elles brillent d'une lueur bleutée non négligeables. Aucune idée de pourquoi il s'est fait greffer ça tant ça parait incongru. Ses vêtements quant à eux n'ont rien de spéciaux. Jerry porte la chemise et la cravate, bien serrée. Un homme en blouse strictement habillé. Parfois, on peut apercevoir quelques tâches d'encre sur l'extrémité de ses manches et lorsqu'il sort des locaux, Jerry a un blouson. Il est frileux.

Qui déjà ? Jerry est si discret qu'il n'est pas rare pour lui d'être mit de côté. Il a du mal à se tenir droit, si facilement écrasé lorsqu'il se sent déstabilisé. L'homme se pelotonne sur lui-même, se raccroche à ce qu'il connait, ses habitudes. En même temps, il les aime, ses habitudes. Se sont elles qui l'ont poussé à garder ses lunettes bien qu'il n'en ait plus le besoin. Jerry n'est pas un homme d'action, ça se voit à sa tête. Il ressemble à un rat de laboratoire, bien entretenu mais qui tremble lorsqu'on le saisit entre les doigts. Il possède l'étiquette du "bon gars" qui a l'air niais. Celui qui fait sourire, sans trop savoir si c'est de rire ou de pitié. Jerry se comporte comme s'il avait été préservé de toute brutalité. Ses mots sont gentils mais, maladroits, empreint d'une sotte innocence. Ce serait presque touchant si l'envie de lui coller une paire de baffe n'était pas si forte. Il est à se demander si l'homme est au courant de tout ce qu'il se passe autour de lui. Il est difficile de savoir s'il joue les ignorants ou s'il en est réellement un. L'ingénieur semble évoluer dans un univers mièvre où la science se trouve être le salut de tous. Cet homme est une tête, c'est vrai, et on n'aura rarement vu un intellectuel aussi débile. Ses blagues tombent à plat et sa maladresse envers tout ce qui ne tient de la science dérangent. Seulement, si Jerry était réellement ignare de ce qui l'entoure, il ne serait pas autant inquiet. Il est un homme nerveux, nervosité octroyée par sa timidité, selon les autres. Jeremiah s'inquiète perpétuellement, il est celui qui sursaute au moindre bruit et qui tremble d'aller vérifier par lui même. Le couard préfère laisser les autres plutôt que de se mouiller dans ce qui lui semble trop dangereux. Cependant, le scientifique aide les autres, peut-être parce qu'il refuse difficilement. Mi-ange, mi-pigeon, les deux possèdent des ailes de toute manière. Pour l'œil hagard, il se laisse facilement submerger par les émotions. Vite, il bafouille, autant que les larmes viennent à poindre aux coins de ses yeux sous la panique. Il donnerait presque envie de le tourmenter. Jerry est le paillasson que l'on piétine allègrement, celui que l'on rit parce qu'il ne trouvera jamais les mots pour se défendre, on pourrait même lui faire croire qu'il accepte cette situation, n'est ce pas ?

Pourtant, il en faut de la retenue pour serrer les dents et afficher un sourire crispé face aux moqueries et que ce sourire en provoque de nouvelles. Serrer les poings, le corps tremblant, tandis qu'il se sent étouffer. Non, Jerry ne se complait pas dans son rôle. Quand bien même il accepte qu'on l'appelle Jerry, il a envie de hurler, de faire exploser son enveloppe trop petite pour lui et brailler que son vrai nom, c'est Jeremiah. Seulement, une force invisible le bloque, le fait bégayer tandis qu'il cherche à se redresser envers plus puissant que lui. L'angoisse le prend au ventre, et les mots épars défilent plus vite que sa pensée, trop rapidement pour en calculer la pertinence. Essoufflé, il passe une énième fois pour un imbécile. Et il rit, avec les autres, de lui-même, pour oublier que ça lui reste au travers de la gorge. Sous ses airs de godiche altruiste et généreux, Jerry rumine. Les entrailles gangrénées par la rancune, une part de lui s'effrite progressivement. C'est qu'il aimerait être bon, Jerry, il voudrait qu'on le reconnaisse, le respecte. Il voudrait être un modèle.

Alors il se trouve là, avec des mots encourageants de bonté bien que malhabiles, tandis que le pessimisme lui vrille silencieusement les tempes. Parfois, celui-ci ressort, sous la panique, pour se cacher derrière une fébrile fausse-assurance qui ne trompe personne que lui-même. Crétin. C'est qu'il est manipulable, le pitoyable Jerry, pour peu que l'on use de bonnes paroles. Deux choses principalement, la flatterie ou bien provoquer sa crainte. Cette première se trouve si rare que l'égo meurtrit du scientifique enfle aisément jusqu'à l'éclatement, quant à cette dernière, faire peur à un trouillard n'est pas le plus ardu des défi. Jerry ne se trouve pas lui-même peureux par ailleurs, il considère posséder un bon instinct de survie, voilà tout. Puis, pour oublier les milles choses qui l'effraient, l'homme se plonge à corps perdu dans ses recherches. Jeremiah est un travailleur mais c'est avant tout un passionné. S'il se trouve moralement bloqué en tant normal, il n'existe plus aucune limite lorsqu'il s'agit de science. Alors, l'ingénieur se trouve étonnamment volubile. Tout comme sa timidité, l'éthique, elle aussi, s'amoindrit, et Jeremiah songe avec idolâtrie à un mélange parfait de chair et de métal. Son esprit troublé fantasme au sujet d'un humain entièrement modifié comme l'enfant à propos d'un jouet parfait, sans savoir que ses doigts tremblant sont capables de broyer ce à quoi il aspire. Jerry est aveugle, malgré ses yeux cybernétiques, puisqu'il ne voit pas, lorsqu'il est seul chez lui la nuit, que le seul monstre qui le terrifie
... c'est lui.