Que pensez-vous de cette "chasse aux rebelles" ?
Rebelles ou pas, ça reste une chasse à l'homme, pas vrai? J'en pense aucun bien ni aucun mal; on connait tous les règles du jeu, on a tous choisit notre camp. Ceux qui ont choisit le chemin de la rébellion savent à quoi s'attendre et moi, lorsque j'ai revêtu l'uniforme, je savais que viendrait un moment où il faudrait viser leurs poitrines et tirer sans hésitation. Je ne dis pas que ce sera facile, je croise les doigts pour que ce jour n'arrive pas trop vite, mais je sais.
On a tous fait des choix hier et il nous faudra assumer demain. Rien de plus cruel, rien de plus normal.
Si l'on vous proposait de rejoindre les rebelles, le feriez-vous ? Et pourquoi ?
Non. Comme je l'disais, j'ai choisit mon camp. Je veux pas mourir demain, je veux pas dormir en serrant un vieux manteau rapiécé contre ma peau. Je veux un matelas confortable, de la chaleur, des repas réguliers... une vie confortable. Je vivrais pas longtemps, je vivrais pas deux fois, je veux pas mourir pour une cause. Je veux juste vivre, moi.
Que vous vient-il en tête lorsque l'on parle du Roi ?
Ça sent l'embrouille hein? Y'a tellement d'rumeurs, tellement d'histoires et absolument rien pour les confirmer... On dit que les Gardes Royaux l'ont rencontré pour certains, si j'atteins mes objectifs c'est peut-être également à ma portée mais... honnêtement j'aime autant rester dans le flou. Les secrets sont des armes, parfois plus terribles qu'un m16.
Qu'il y ait un Roi ou pas, je m'en fiche. Qui tire les ficelles? 'pas mon problème. Un homme reste une homme.
Qu'est-ce qui ferait de cette ville, selon vous, la ville parfaite ?
De la chaleur? Je déteste avoir froid, grelotter dès qu'on met un pied dehors... On n'a jamais vraiment chaud dans cette fichue ville. De la lumière et de la chaleur, ce serait un bon début. Pour la sécurité, la bouffe, la justice... On est tous dans la même galère, il ne tient qu'à nous de nous en sortir. Sinon, entre nous, c'est impossible de faire une ville parfaite et pour rien au monde je ne voudrais que celle-ci le soit.
Quel est votre avis à propos des différents groupes sociaux d'Erèbe ?
A chacun sa voie. Je n'aime pas penser les gens en terme de groupe; je préfère les voir individuellement.
Si vous deviez vous décrire en quelques mots, quels seraient-ils ?
mh... Bonne question. C'est pas le plus pratique pour cerner quelqu'un, de lui demander directement ce qu'il pense de lui-même... Je suis née dans le troisième secteur, habituée à peu de lumière et beaucoup de toux. Je me suis battue pour sortir de là, j'y ai mis toutes mes forces. Des rebelles j'en ai vu, j'ai fréquenté des gamins qui en sont devenu et qui sont morts sur la place centrale. Je sais qu'ce sont qu'des hommes. Des hommes bien en plus, pour la plupart. Des gens qui se prennent pour des héros. Y'a toujours une angoisse mêlée d'admiration qui me froisse la gorge quand j'y pense... mais c'est pas pour moi d'mourir pour des idylles. Moi j'veux vivre, moi j'veux un endroit chaud où rentrer le soir et où je puisse me sentir bien. C'est le genre de vie que j'ai pu offrir à ma famille qui n'avait rien lorsque je suis entée dans la Garde Civile. Je sais, sept ans...! ça fait peur de s'engager pour si long... Mais qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre? J'aime la vie que je mène aujourd'hui, je veux continuer dans cette voie et viser plus haut encore, vers la Garde Royale! Je veux ce qu'il y a de mieux. Je veux me battre pour l'obtenir. Je veux être fière de regarder le chemin parcouru derrière moi.
C'est le genre de personne que je suis, juste ça.
Que pensez-vous de votre propre situation ?
J'en suis très contente. Entrer dans la Garde Civile était mon objectif depuis des années et c'est -finalement!- chose faite! J'ai quitté l'obscurité de la périphérie pour le premier quartier en pleine lumière, c'est dingue! C'est comme changer de planète! J'ai changé de vie! J'ai changé ma vie! Je me suis battue pour ça, de toutes mes forces, j'ai donné tout ce que j'avais et j'ai ma récompense.
Maintenant je veux viser plus haut, je ne veux pas cesser de me battre bêtement en me satisfaisant de ce que j'ai déjà... Je veux plus! Je veux prouver a la ville entière qu'aucun gamin des bas-fonds n'est condamné! Ceux qui tiennent ce discours sont faibles, ceux qui tiennent ce discours sont lâches; on peut se battre pour s'élever. C'est ce que j'ai fait. C'est ce que je vais continuer de faire. La Garde Royale est mon prochain objectif.
Quels sont vos hobbies dans la vie ?
Courir me fait du bien; quand je ne travaille pas j'aime faire le tour de la haute ville au pas de course, ça défoule, ça permet de se vider l'esprit et on dort bien ensuite... J'aime me dépenser en général, course, boxe ou abdos tous cons, c'est jamais un mal. Je passe aussi un temps conséquent devant la télé le soir et j'aime les jeux en général, et bien sûr je sors régulièrement avec des potes boire un verre et rentrer chez moi en zigzag... ce genre de choses.
Quelles sont vos phobies ?
Je n'ai pas vraiment de 'phobie', enfin je ne crois pas... Je ne suis pas sans peur, hein, comme tout le monde je flippe lorsque une arme est pointée sur moi et l'idée d'être mise à la porte, de quitter mon confort actuel pour retourner dans la périphérie me donne des sueurs froides... Il y avait un homme qui n'avait qu'une seule jambe dans mon quartier, je flippe à l'idée de ce qu'une vie comme celle là impliquerait... quitter la Garde... cesser de se battre... pitié non.
Mais une phobie...? Une vraie peur...? Je ne sais pas...
Peut être celle-ci: depuis que j'ai mis les pieds dans la Haute Ville avec toute cette lumière je réalise qu'elle me met profondément mal à l'aise... Oh ne vous détrompez pas... j'en voudrais partout! Partout! C'est trop con de cacher le monde! Mais... j'ai pris l'habitude de l'obscurité de la périphérie, on s'y sent épié mais on s'y sent caché également... Je me sens nue, ici, visible de tous, j'peux pas me curer le nez sans que toute la ville le voit! C'est pas vraiment une peur, mais c'est ce qui me pèse le plus.
Qu'est-ce que vous aimez ?
La nourriture épicée. C'est tellement rare les épices, je n'avais jamais rien mangé de pimenté avant d'arriver dans la haute ville et je crois que je ne peux plus m'en passer... C'est comme un édredon par dessus la couette, que du luxe, que du bonheur. J'aime le confort à son maximum.
Et par dessus tout, l'effort, la rivalité qui vous oblige à donner le meilleur de vous-même, j'aime m'entrainer jusqu'à épuisement et voir mes efforts récompensés; c'est mon mode de vie. Y'a rien de plus agréable que d'enfiler des gants de boxe et se lancer à corps perdu contre l'autre.
Qu'est-ce que vous détestez ?
Je déteste par dessus tout les mendiants. Ces gens qui pleurent pour votre secours, les gens qui s'en
remettent à vous plutôt que de se bouger les fesses. Ils pavent les routes obscures du troisième secteur et leurs regards résignés m’écœurent. Je viens du même taudis qu'eux, je suis la preuve vivante que s'élever est possible et ils me font vomir. Ils me font vomir parce qu'ils ne devraient s'en remettre qu'à eux-même pour assurer leur avenir. Ils devraient se battre au lieu de supplier, ils devraient se dresser de toute leur hauteur au lieu de ramper...! On est tous né dans la même galère, ceux qui pleurent et attendent qu'un guide bienveillant les en sorte valent moins que des chiens.
Avez-vous un fantasme (il peut être sexuel) ?
Je vise les sommets, les sommets! Mon unique objectif est le sommet de la pyramide hiérarchique. Ah. Dans un autre registre... Je voudrais voir le monde. Hors-les-murs et après encore. 'En haut'. Souvent je me suis dit que, lorsque je serais à l'article de la mort, j'y grimperai pour le voir au moins une fois... Il y a eu une époque où le monde nous appartenait. Une époque avant cette ville... Avec un ciel.
Quelque chose à rajouter ?
Nope. (Jack a le profil type du traitre, n'est-ce pas? Née où elle est née, elle avait toutes les raisons de rejoindre la résistance et de se battre pour ce qu'elle appelle aujourd'hui avec dédain 'une idylle'. Certaines de ses anciennes fréquentations la considèrent comme une tourne-casaque depuis qu'elle porte l'uniforme mais elle-même préfère penser qu'elle a su saisir sa chance pour s'en sortir dans le monde 'le vrai'.
Autant elle méprise les habitants de la périphérie résignés à leur sort, autant elle respecte profondément les rebelles: comme elle, ils se battent pour obtenir ce dont ils rêvent. Elle les considère -de manière assez romanesque- comme de 'valeureux ennemis' ...)