De ses lèvres entrouvertes s'échappe un large nuage de fumée dense et éthéré. Affalé sur un fauteuil molletonné - et à demi enroulé dans une épaisse couverture de patchwork – il fixe pensivement le plafond, sur lequel croupi un ventilateur détérioré et rouillé. Les larges pales s'étant arrêtées, manque d'électricité dans ses locaux des bas quartiers. Un spasme nerveux dans son bras gauche, pendant négligemment depuis l'accoudoir du sofa, lui fit inopinément bousculer sa bouteille de bière à demie vide. De l'autre, il coince à la commissure de ses lèvres sa cigarette. Ronchonne comme un ivrogne de première, puis mobilise ses deux mains rendues balourdes par sa rincette diurne à l'investigation de sa plus fidèle amante.

Il tâtonne à l'aveuglette, les contenant de verre s'entrechoquant, trop fainéant pour lâcher un œil sur les quelques déchets qui trônent à ses pieds. Ses mains retombent à l'extérieur du fauteuil, il abandonne. Son regard blasé fixant le lavabo brisé et crasseux en face de lui : le goutte-à-goutte désagréable du robinet faisant écho dans la pièce sombre. Il soupire, porte à ses lèvres sa cigarette. Expire. De la fumée nicotinisée s’échappant de ses narines. Sa gorge était étonnamment seiche, sa soif intarissable, sa langue rendue pâteuse par la bouillie d'OGM dont il c'était nourri. Quel alcoolo. Non mais regardez-moi ça. Il écrase sa cigarette sur l'accoudoir, les remugles de matières synthétiques tourbillonnants dans l’atmosphère saturé de la pièce.

Par le passé, la famille Shepard gérait avec d'autres l'une des filiales de la Real Compagny : la R-C Weapon. Au départ, ils n'en fournissaient que les matériaux, puis ont été peu à peu amenés à faire prospérer cette infime partie de la Real Compagny - le roi leur léguant quelques généreuses subventions en échange de leur candide fidélité. Sa prospérité fut celle qu'on lui connait aujourd'hui, jusqu'à ce que l'on découvre que la filiale vendait quelques uns de ses produits au marché noir. Et plus précieusement aux rebelles, lesquels constituaient les principaux clients de cet insidieux trafique. Parait-il qu'un rebelle les aurait vendu à la garde royale. Vérité ou coup monté, cela ne changea néanmoins rien au fait que la famille Shepard se vit dépouiller de ses biens. Maximiliam Sherpard, alors à la tête de cette entreprise, s'évapora. Qu'il ai été assassiné n'est en soit pas une surprise. Maxwell n'en a pour ainsi que des souvenirs épars. Et quoi qu'il s'agissait d'un père froid et avide, il n'en restait pas moins le couard qui avait préféré son honneur à ses progénitures.

Les héritiers de la famille Shepard n'eurent en effet pas la chance d'éviter le déshonneur dont ils furent la cible directe. Sa majesté accepta de garder ses trois cadets dans la garde royale en " gage de rédemption pour leur trahison " ( un fait restant  à vérifier ), et se débarrassa du premier en s'en servant d'espion. Le but final étant - en échange d'une conduite exemplaire - de leur restituer leurs droits sur la filiale R-C Weapon. Il n'y a pas une nuit où ses doutes ne cessent - ne trouvant parfois pour seul échappatoire qu'une bouteille de bière ragoutante, laissant sur la langue un arrière gout âpre. Mais quelle douceur ! Maxwell a t-il pris la bonne décision ? Le roi ne se servirait-il pas de ses espoirs pour mieux le réduire à néant ? Et si ces 5 années d'exils dans les bas-quartiers ne débouchaient sur rien d'autre que de la déception ? Encore un peu plus me direz-vous.

Un aigre mensonge que l'alléchant marché du roi ? Qui sait ...